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Portraits des Jours Anciens : Le Lecteur face au mystérieux Chapitre 3


Raconter une histoire de renard n’est rien si on vous raconte la fin. Et pourtant, c’est ce que je vais faire. A la toute fin, quoi que pense ou fasse mon lecteur, je devrais avoir gagné. En tout cas, tel est le défi que je me fixe cette fois-ci pour écrire cette histoire. Et c’est bien pourquoi je fais appel à vous pour ne pas me retrouver dans la même situation que dans le Chapitre 2 où je perdais à la fin quoi que pensait ou faisait mon lecteur. Et cette fois-ci, pour réussir, j’en ai besoin d’un qui soit suffisamment affuté pour déjouer tous mes pièges de manière à vraiment donner vie à ce mystérieux Chapitre 3 qui débute. D’ailleurs, de vous à moi, l’histoire importera finalement assez peu, car seul compte véritablement la présence de ce renard et de tout ce qu’il fera pour piéger son petit monde.

Pour réussir une vraie histoire de renard, nous avons à créer entre le lecteur et moi toute sorte de paradoxes pour l’attirer jusqu’à la fin pour savoir qui de lui ou de moi l’emportera. Par conséquent, le premier de ces enjeux consistera non pas à écrire une simple histoire de renard mais bien un véritable Chapitre 3 qui serait à la fois un début et une fin. Pour cela, j’ai l’intention d’écrire une histoire que vous connaissiez peut-être puisqu’elle a déjà été écrite deux fois. Rassurez-vous, rien de bien palpitant puisqu’il s’agit de repartir de la trame du Renard au Harnais qu’a écrite Vuld Eldone  ici à partir d’une image banale qu’il avait trouvée et que j’avais tenté d’exploiter à mon tour dans un Chapitre 2.

Pour camper le décor, je dirais que rien n’a changé depuis le chapitre 1. On a toujours un renard, une oie et un pont à traverser, et que c’est, ma foi, plutôt maigre comme histoire. Ah oui, j’oubliais de préciser pour ceux qui n’auraient pas lu les précédents chapitres que le renard est harnaché et tire un carrosse et que l’Oie se tient derrière lui sur le carrosse avec un journal et un fouet à la main. Et que le pont mène droit sur une forêt. Voilà présenté en quelques mots tout le décor et toute l’histoire. Avouez que c’est plutôt maigre pour qu’un lecteur y trouve son compte. Et moi aussi, j’avoue que, si jamais je devais à être à votre place, je rentrerais dans tout ça à reculons.

Pour commencer, partons de mon échec du chapitre 2. Même si ma volonté était de perdre volontairement en piégeant mon lecteur, en soi, je minorais la portée de cet échec. En fait, il m’a surtout révélé que j’existe non pas parce que j’écris mais bien parce qu’un lecteur me lit. Même si écrire est une sorte de jeu avec lui dont le but final serait de lui dire « Ceci est mon monde et soyez le bienvenu! », jamais je ne dois le perdre en chemin. Par conséquent, la réussite de cette histoire dépendra de ma faculté à donner naissance à un monde dans lequel chacun plongerait à la fin qu’il en ait envie ou pas. Et j’aimerais vraiment que chacun reste un peu avec moi, même après que tout soit terminé. Pour y parvenir, oublions un instant que je suis un renard et que je cherche à piéger notre lecteur, et focalisons-nous uniquement sur celui qui me lit à cet instant précis. C’est ici que j’ai plus que jamais besoin de sa présence, discrète, rassurante, avec son regard fixe pointé sur moi, un regard d’ailleurs si perçant que j’aimerais sentir en moi la vie naître et palpiter au moment même où nous nous regarderions enfin, l’un et l’autre, les yeux dans les yeux.

Dès lors, comment parvenir à écrire un vrai Chapitre 3 en racontant ni plus ni moins la même histoire que les deux précédents chapitres tout en donnant au lecteur un rôle à sa mesure? Voici donc le second paradoxe. Pour que chacun y trouve un intérêt à l’écrire et moi à le lire, il va bien falloir que nous y mettions quelque chose dedans qui n’ait pas été exploité ni dans le Chapitre 1 et ni dans le Chapitre 2… Et pas question de mentir à qui que ce soit une nouvelle fois… Mais pourquoi au fait ? Parce que nous ne nous adresserons évidemment plus au même lecteur. Et aussi parce que, moi aussi, je ne suis plus le même auteur. L’un comme l’autre nous avons changé avec le poids de l’expérience de nos deux précédents chapitres et, en même temps, nous nous connaissons mieux et nous savons de quoi nous sommes l’un et l’autre capables. Sauf que, tout comme lui, j’ai appris ma leçon et que, cette fois, je veux qu’il sache qu’à la toute fin, quoi qu’il découvre, j’aurai gagné. Et cela, quoi qu’il dise et quoi qu’il pense, puisque tel est le défi que nous nous sommes fixés dès le départ.

Seulement, pour parvenir à mon tour à donner vie à mon histoire, il me reste une étape à franchir. J’ai bien peur qu’il me faille moi aussi aller plus loin dans mon écriture. Parce qu’elle doit créer un monde à moi alors que tout m’est imposé : un renard, une oie, un carrosse et tout ce qui gravite autour, impassible et opaque et qui contient presque tout l’univers, la pierre du pont, l’eau qui coule dessous, la terre de part et d’autre avec, bien sûr, cette forêt qui nous fait face. Ecrire ce mystérieux chapitre 3 alors que je n’ai toujours pas trouvé pourquoi le lecteur me lirait jusqu’au bout. Le fait est que, pour l’écrire, je dois moi aussi plonger avec mon lecteur dans l’inconnu, franchir en quelque sorte le pont tout en restant strictement dessus.

Ce sera, à mon sens, le dernier paradoxe de ce chapitre. Et c’est pour moi le plus effrayant d’entre tous. Il s’agit de trouver le tour de magie qui me lierait au lecteur à chaque mot qu’il lira, parce que les mots ne se métamorphoseront en images, et les images en vie, que grâce à lui, sous sa seule impulsion. Alors, quand viendra la fin de ce chapitre 3, au moment où on s’attend normalement à ce que ce lien qui nous unissait ne meure aussitôt, j’aimerais que l’histoire perdure d’une manière si forte que le lecteur plongerait dans un même élan dans le monde que j’aurai créé et qui sera dorénavant le mien. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, je crois que nous avons sans doute cerné le véritable enjeu du texte qu’il nous reste à écrire.

Voilà, du moins en gros, comment je vois les choses pour que je gagne quoi qu’il arrive. Enfin, tout ça, c’est si tout se passe bien et que notre lecteur veuille lui aussi bien jouer son rôle. Et ce ne sera possible que s’il prend part à mon histoire pour s’en sortir dans ce que jamais je ne pourrait écrire à sa place Et si, au moment clé de l’histoire, il refuse de jouer son rôle ? Alors, je te l’ai dit, je dois trouver le moyen de gagner quand même… Et maintenant, que se passe-t-il si personne ne tombe dans le piège ? Alors je dirais qu’il s’agit du rêve de tout auteur que de rencontrer un tel lecteur. Mais même s’il mériterait des bravos, il découvrira malgré tout que j’aurai gagné à la toute fin. Mais alors, pourquoi jouer avec moi si c’est pour perdre ? Je ne sais pas, moi. Peut-être, tout comme moi dans le chapitre 2,  pour tout ce qu’il y a à gagner lorsque nous perdons? Ou peut-être pour le plaisir d’être au cœur de l’univers ? Ou pour chercher quel est le cœur qui bat très fort dans cette histoire ? Ou mieux encore, pour découvrir tout simplement ce qui se cache derrière le masque du renard ? A moins que tout ceci ne soit faux et que tu ne doives juste sauver ta peau. Va savoir. Cela reste un texte de renard et il ne se dévoilera à toi qu’en allant jusqu’au bout.

 

**

*

Maintenant que nous avons vraiment fait le tour des rôles de chacun, revenons un instant au cœur de la réalité. Et puisque nous sommes bien dans un chapitre 3 et non dans un premier chapitre, oublions un instant que je scrute le moindre de tes faits et gestes pour te piéger, et que toi aussi tu cherches à tout prix ce qui se cache dans ma tête, et partons simplement du principe que, l’un comme l’autre, nous nous connaissons. Grâce aux deux précédents chapitres, je me connais davantage et je connais davantage le lecteur. Pareil pour le lecteur qui, lui aussi, se connait davantage et cerne davantage qui je suis. On dira que, sur ce plan-là, l’un et l’autre sommes guère différents sauf que, bien entendu, aucun de nous n’est plus tout à fait ce qu’il était au chapitre 1. Comme un lecteur averti en vaut deux, je sais déjà qu’il est inutile de te servir les mêmes pièges, tout comme tu es en mesure de deviner les ruses qu’un renard comme moi est capable de commettre et combien il t’appartiendra d’être vigilant pour échapper au sort qui nous attend inexorablement à la fin.

Dorénavant, tout lecteur connait le rituel : comme pour les deux précédents chapitres, l’histoire commence toujours à partir de cette même image. Elle est toujours pareille : il y aura cette oie avec le fouet grimée en noble ; entre les deux, il y aura ce carrosse ; et il y a ce renard harnaché au carrosse qui doit déployer toutes ses forces pour le tirer et lui faire traverser le pont. Et tout autour, il y a toujours, de part et d’autre, une forêt. Nous savons que la forêt sur l’autre rive est sombre, peu accueillante, même pour un renard, car elle peut tout à fait dissimuler un chasseur ou pire encore. Et dessous le pont, il y a le vide, puis la rivière dont le courant heurte les fondations en pierre et qui fait que tout est lié sur cette image. Et cette fois-ci, si je te dis que tout est pareil, il faut me croire car je ne peux mentir une seconde fois. Pourtant, comment me croire alors qu’au fond de chacun de nous, nous savons pertinemment que ce n'est pas possible puisqu’il s’agit d’un chapitre 3 ? Si rien n’est pareil, c’est bien parce que le regard de chacun à changer alors même que, encore une fois, les séquences resteront, comme il se doit, immuablement identiques.

Le carrosse approche du pont, puis s’arrête. Puis l’oie donne son coup de fouet et le renard tire de toutes ses forces et hisse, petit à petit, ce carrosse sur les premières pierres du pont pour le traverser. Et c’est tout. Comment écrire quelque chose de nouveau avec cette même matière ? Qu’est-ce qui a changé ? Rien. Et pourtant, qu’est-ce qui est pareil ? Rien non plus.  Oui, l’un et l’autre, nous portons le poids des expériences passées. Ecrire et réécrire ne sont pas la même chose, tout comme lire et relire. Or je ne dois pas réécrire mais écrire, tout comme il ne faut pas relire cette histoire mais la lire à nouveau comme si on ne la connaissait pas par cœur... Il nous faut scruter ce qu’on n’avait pas vu les autres fois, jauger son adversaire et être prêt à tout pour ne pas succomber. C’est la seule chose qui me permettra de gagner. Oui, et ne jamais oublier que nous sommes dans une histoire de renard. Un renard rusé qui sait d'avance comment se terminera l’histoire et qui, cette fois-ci, fera tout pour gagner.

C’est donc toujours la même scène puisqu’il le faut. Mais maintenant, le lecteur sait ce qu’on voit quand retentit le fouet. Non, pas exactement. Il saura ce qu’il va soudain voir juste avant qu’il ne claque dans l’air. Car ce n’est pas pareil…Il y a le mouvement dans l’air du fouet qui se déroule et se déploie et, comme pour l’éclair, le bruit vient juste après, suspendu indéfiniment au-dessus de nos tête, sans savoir exactement où et quand il va claquer à nos tympans. Comme dans le chapitre 2, la vérité qui apparait à ce moment précis laisse la place à deux mondes qui s’affrontent : celui du renard et celui de l’oie avec pour enjeu qui des deux survivra. Et maintenant, je l’espère, un œil expérimenté et perçant saura voir plus que ça, car chacune de nous a appris comment se déplacer avec agilité dans ce monde dont nous faisons soudain partie. Ce monde est toujours aussi nu et toujours aussi cruel. Et si on est tombé dans le piège la fois d’avant, on se dit qu’il sera d’autant plus simple d’éviter les autres. A chacun de comprendre ce qui, en nous, a changé.

A ce stade, comme la fois précédente, il n’y a rien d’autre à voir qu’un renard affamé et une oie qui veut survivre. Tant que le fouet n’a pas claqué, l’histoire ne raconte rien d’autre qu’un affrontement et que de nous deux, un seul survivra. Et si le blanc plumage de l’oie attire davantage l’œil, c’est surtout à cause de tous ces caquètements agaçants. L’un et l’autre nous comprenons alors combien il est difficile de se déplacer avec deux pattes palmées... Oui, combien on doit être gauche à se déplacer par terre avec. Décidément, je m’étais vraiment donné le bon rôle. Et puis ce cou, je le sais, reste toujours aussi appétissant... A cet instant précis, je comprends soudain combien il est difficile de s’enfuir pour un volatile s’il n’a ni le temps ni l’espace pour prendre son envol... Le monde dans lequel on vit reste définitivement cruel pour qui n’a pas de crocs aiguisés pour mordre et où seul compte l’instinct de survie de chacun. Tout est permis du moment qu’on survive à la fin. C’est certainement la principale leçon qu’il faut retenir du précédent chapitre. Mais cette fois, il est rassurant de savoir que, l’un comme l’autre, nous connaissons précisément le monde du renard et le monde de l’oie, tout comme chacun sait normalement ce qu’il se passe lorsque les deux se rencontrent. Chacun s’observe et le combat à mort commence. Et ce serait sans doute abuser de dire que, dans cette histoire, il faut juste savoir choisir le bon camp. Disons que, si les chapitres précédents ont servi à quelque chose, on dira que c’est pour permettre à certains d’avoir un peu moins peur dans ce monde si cruel. Seulement tout ceci s’efface déjà car, dans l'air, retentit le claquement sec du fouet d’une violence soudaine à vous en faire frémir le poil.


Alors la réalité réapparait et l’histoire reprend son fil avec toujours ce renard harnaché et cette oie grimée. Et comme la dernière fois, l’image a été contaminée par ce que nous avons vu pendant cet infime instant. Notre renard mobilise ses forces pour avancer. Ses pattes griffent la pierre, et il est difficile, douloureux même pour lui de hisser les roues du carrosse sur le pont. Il n’a quasiment pas de prise car ses griffes, dans un crissement affreux, ricochent sur la surface lisse et dure des pavés. Et le poids qu’il tire maintenant est bien trop lourd pour ses frêles épaules, à tel point que tout son équilibre en est affecté. Pour qui peut le voir à cet instant, c’est une vraie souffrance sans nom et silencieuse. Et même l’écrire ne suffit pas pour la transcrire. Et même pour moi qui écrit, ce qu’on peut imaginer n’est rien comparé à ce que lui endure à cet instant et encore moins à ce qui tire sur tout son dos à le faire parfois reculer alors même qu’il venait de déployer des efforts inimaginables pour faire avancer ce carrosse. A cet instant, on devine que la bête n’a plus qu’une idée : trouver le moyen d’arrêter son calvaire. Derrière lui, il sent la présence de l’oie confortablement assise sur son siège en train de lire son journal, et il n’y a qu’à jeter un coup d’œil derrière soi pour deviner qu’elle n’en comprend pas un traitre mot.

« Inutile de me regarder, car nous ne sommes pas pareils », semble dire l’oie. Du coup, quand les roues recommencent à marteler la pierre, il réalise combien l’oie est consciente du danger. Elle tient fermement son fouet. Et ce fouet dans sa main a tout le poids du réel. Il est parfaitement acéré pour rentrer dans la chair; et, inutile de le préciser, mais un pelage, aussi fourni et luisant soit-il, n’a jamais été une bonne armure. Et c’est à nouveau un monde de peur qui s’ouvre face à nous. A tout moment, la lanière peut surgir tout près de l’oreille et déchirer le tympan et si ce n’est pire... Au fait, qu’est-ce qui est pire, être asservi avec ce harnais pour éviter ce fouet ou se rebeller et sentir alors sa propre chair lacérée de ce geste sec et violent jusqu’au sang?


Devant nous, il y a plus que jamais la forêt sombre qui s’approche. Elle grandit, et à chaque pas que mon renard arrache péniblement aux pierres du pont, elle se dresse et son ombre recouvre peu à peu le spectacle d’un léger voile, comme pour atténuer l’horreur de ce qui bondira sur l’un de nous dès que nous serons sous son emprise. Tout autour, un calme immobile pourrait nous tromper, sauf qu’aucun de nous n’a envie de rire cette fois-ci, car nous devrons aller jusqu’au bout. Oui, parce que j’ai oublié de le dire, mais dans ce chapitre 3, je ne mettrai dedans ni farce ni humour, aussi noir fut-il, car nous sommes dans le monde réel et rien n’y atténue nos peurs quand elles viennent s’abattre sur nous.


Pourtant, au fur et à mesure que le carrosse avance sur le pont, le piège se referme sur chacun de nous. On se dit qu’il doit bien y avoir une autre issu. J’en vois bien une, mais pour l’instant elle est tellement si improbable qu’il ne vaut mieux ne pas y penser. Elle viendra le moment venu, comme une évidence. Ce que nous savons à ce stade, c’est que jamais ce carrosse ne se transformera en citrouille et que jamais l’oie n’abandonnera ce fouet, car, elle, elle sait ce qui va se passer. Je l’ai déjà dit mais l’instinct de survie est puissant. Cette oie est prête à lutter jusqu’à la mort. Parce qu’ici, le renard et l’oie ne sont plus les mêmes que la dernière fois. Eux aussi ont franchi plusieurs épreuves et ont appris à se jauger. Ils se sont enrichis de chacune d’elles. Mais cette fois, il faut aller plus loin sur le pont. Il faudra aller jusque dans la forêt. Et pourtant, personne ici n’a envie d’y plonger. Cette forêt n’a jamais inspiré confiance à qui que ce soit. Elle cache certainement dans ses feuillages quelque chose, comme si ces feuillages eux-mêmes avaient le pouvoir, l’un comme l’autre, de nous dévorer tout cru. Quelque chose qui, bien que sans nom, sans visage, serait à ce point vorace que même la douleur stridente du fouet nous apparaitrait comme un baume apaisant. Une menace qui viendrait pourtant d’un monde qu’on se refuse de voir et que nous connaitrions pourtant parfaitement et qui serait prête à surgir sur nous, maintenant, à tout moment parce que, en soi, renard ou oie importe peu quand on doit y faire face.


Voilà le cœur de ce chapitre 3. Et l’histoire peut s’arrêter ici, cela n’a plus d’importance car, à ce stade, tout est déjà écrit. C’est inexorable. Mais je crois avoir dit qu’il y avait une autre issu. En fait, j’aimerais plutôt qu’il y en ait deux : l’une est au fond de moi, c’est celle qui m'est venu à l’esprit en pensant pour la troisième fois à ce renard et cette oie sur un pont face à une telle forêt ; la seconde flotte dans l’air et se savoure à l’avance pour le renard que je suis. A vrai dire, elle porte l’espoir, notre seul espoir de sortie. Pour cela, il faut prendre une décision sauf que jamais ce ne sera à moi de la prendre, car je n’ai pas oublié que, cette fois-ci, quoi qu’il arrive, je devrai gagner, même si c’est moi qui perds. Après tout, moi, il ne me reste plus qu’à laisser filer le carrosse pour respecter le cahier de charge de cette histoire si simple et si banale de Renard harnaché et d’Oie ridiculement grimée, car même s’il s’agit d’un chapitre 3, certaines choses ne peuvent changer. Certes, nous avons tous les deux dans notre ventre, dans notre chair, les deux précédents chapitres. Mais que cela peut-il bien changer pour cette histoire ? Rien. Tout.

Par exemple, à ce stade, on peut très bien humer l’un et l’autre, et qui flotte maintenant dans l’air, une féroce envie de se mordre. C’est si simple de croire que c’est facile. Seulement, plus que jamais, il y a entre nous la fugace image d’avant le claquement du fouet pour se rendre compte que rien n’est aussi simple dans ce monde impitoyablement cruel. Il y a une oie et un renard. Même si on se dit qu’il suffit de s’approcher du cou et de faire bondir sa mâchoire pour que les crocs s’enfoncent et déchirent la chair et que le sang arrose nos babines, c’est impossible parce que, dans cette histoire, vois-tu, il n’y a de place que pour un seul renard. Et pour le devenir, il ne s’agit plus de l’imaginer mais de déjouer tous les pièges et d’oublier qui on est pour passer aux actes. Et cette fois-ci, inutile de te dire qu’avec un harnais sur les épaules, je ne donnerais pas cher de ta peau. Surtout que je ne lâcherai pas le fouet derrière toi, tu peux compter sur moi. Mais une chose est sûre, si tu ne fais rien, la forêt nous engloutira tous les deux. Et je n’ai pas envie de perdre une seconde fois, car tu as toutes les cartes en main, surtout que, moi, je vais au plus court sur la forêt.

Regarde comme les feuillages frémissent vu d’ici. Désormais, la pente du pont pousse le carrosse et nous entraîne droit devant, alors que, là, en face de nous, quelque chose vit, bouge et nous attend, impatient. Voici donc l’heure de finir ensemble cette histoire, sauf qu’il ne te reste plus guère de temps avant que le fouet ne claque et transperce à nouveau la chair à vif. Quant à moi, même si les roues s’emballent, tout n’est pas encore fini. Maintenant que la forêt s’entrouvre férocement devant nous, je n’ai plus qu’à écrire les derniers mots avant que nous ne soyons tous les deux engloutis: Voici mon monde et soyez le bienvenu !

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Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20143 il y a 9 ans 3 mois
Voilà, j'ai retouché la première partie. Pas sûr que tout soit parfait. Mais bon, je traîne ce texte depuis très longtemps et, à force de le reprendre, je ne sais plus quoi en penser...
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20147 il y a 9 ans 3 mois
C'est étrange. C'est la troisième fois que je continue ma lecture du texte mais à chaque fois je suis interrompu par une autre activité. Du coup ma lecture est très... hachée, et je me dis que ça va affecter le résultat.

Ce qui me frappe, c'est qu'au départ je suis parfaitement d'accord pour écouter les "consignes" du texte, les explications du narrateur. Mais à un moment j'ai l'impression que ça se répète et je commence à décrocher.
Je ne peux pas encore le décrire parce qu'une fois encore, j'ai lu le début deux fois de suite et je ne sais plus où vraiment s'est produit cette impression. Je ne sais plus où j'ai décroché et à dire vrai, à la première lecture, je crois que j'avais lu la première partie sans peine, jusqu'à la séparation, mais que juste après, à la première phrase de la seconde partie, j'avais eu l'impression de recommencer la première.
Je ne peux pas non plus décrire ce qui m'a fait accrocher, là encore... le hachage de la lecture a un peu tout brouillé. J'étais juste à l'affût des règles du jeu, et de l'installation du piège.

L'autre chose qui me frappe, c'est ça :
"Ses pattes griffent la pierre (...) Il n’a quasiment pas de prise car ses griffes, dans un crissement affreux, ricochent sur la surface lisse et dure des pavés."
Lire ça m'a rappelé la sensation des ongles grattant certaines surfaces, une impression très désagréable. Pour le coup ce qui suit est faux, l'écrire suffit à le transcrire. "Ricochent" est un peu bizarre mais le crissement à lui seul suffit à rappeler cette expérience, jusqu'au bout des doigts.
À l'inverse :
"et il est difficile, douloureux même pour lui de hisser les roues du carrosse sur le pont."
Ceci m'a paru artificiel. Peut-être déjà le "même pour lui"... c'est un renard, il est faible, ce n'est pas un animal de bât, il n'est pas fait pour ça. Donc c'est déjà forcé. Mais il y a aussi le fait de dire "les roues du carrosse" au lieu de simplement "hisser le carrosse sur le pont". Pour le rythme, et le son, le mot a sa place, on a /s/ - /r/ - /r/ - /s/ par exemple. Mais se concentrer sur les roues pour dire que c'est difficile...
C'est beaucoup moins précis, beaucoup moins concret que les griffes raclant la pierre. Et pourtant les deux sont au fond étranges, mais voilà.

Bref, comme dit je suis en train de précipiter ce commentaire après avoir dû interrompre ma lecture, pour dire que ma vision finale du texte sera fortement influencée par les conditions de lecture.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20155 il y a 9 ans 2 mois
Je n

e peux pas encore le décrire parce qu'une fois encore, j'ai lu le début deux fois de suite et je ne sais plus où vraiment s'est produit cette impression. Je ne sais plus où j'ai décroché et à dire vrai, à la première lecture, je crois que j'avais lu la première partie sans peine, jusqu'à la séparation, mais que juste après, à la première phrase de la seconde partie, j'avais eu l'impression de recommencer la première.

Ben que ce soit la partie que j'ai retouchée, il y a des problémes sur le premier tiers. A force de revenir sur ce texte, de modifier, de décaller et regrouper des "arguments", on glisse parfois d'une idée à une autre sans trop de liens logiques, ce qui fait que ta réaction est logique. Il aurait fallu que je reprenne une dernière fois (il y a sans doute un paragraphe entier à supprimer qui est redondant).
Comme toi, je me suis un peu précipité pour éviter une MAJ vierge. J'ai juste l'impression que la 2eme moitié est plus fluide.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20240 il y a 9 ans 1 mois
A défaut de commenter ce texte, pourriez-vous juste m'indiquer si le piège fonctionne et si l'impression finale qu'il laisse vous parait cohérente avec le programmme défini?
C'est vraiment un texte qui m'a causé pas mal de souci et que je n'arrive vraiment pas à jauger. Je sens qu'il y a des trucs qui clochent (ce côté répétitif qu'évoque Vuld Eldone mais qui en partie volontaire, sans doute la longueur), lais quand je coupe je trouve qu'il lui manque quelque chose. Je n'arrive pas à trouver le bon équilibre. D'où mon petit SOS...
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20242 il y a 9 ans 1 mois
Avant même de reprendre la lecture du texte, je ne peux pas m'empêcher de me faire cette réflexion.
On est dans une situation du narrateur vs le lecteur. Et là se pose un premier problème... un peu comme dans la Stanley Parable, ma meilleure chance de victoire est d'ouvrir le menu et d'appuyer sur "Quitter".
Plus je relis le premier paragraphe et plus je me dis que le contrat de lecture est étrange. On me dit que, quoi qu'il advienne, le narrateur gagnera (gagnera quoi ?) et, inversement, que pour gagner le narrateur a besoin d'un lecteur particulier. Le "quoi qu'il advienne" en prend un coup. Mais plus bizarre encore, j'ai envie de jouer le jeu et du coup ma première question est "d'accord, qu'est-ce que je dois faire ?"

Je note l'absence de la seconde oie mais, honnêtement, à ce stade je me dis juste que c'est un simple ajustement.

"Avouez que c’est plutôt maigre pour qu’un lecteur y trouve son compte. Et moi aussi, j’avoue que, si jamais je devais à être à votre place, je rentrerais dans tout ça à reculons."
-> D'accord, oui, dans un sens c'est maigre, mais d'un autre côté alors pourquoi le narrateur n'a pas développé ? S'il n'a pas développé, c'est qu'il considérait que c'est suffisant. Et en tant que lecteur... surtout pour avoir lu les deux chapitres précédents... ben c'est suffisant.
J'aime moi aussi ce genre de remarque où le lecteur admet une faiblesse du texte, mais quand cela a un sens. Quand c'est un mensonge et/ou quand cette faiblesse pèse dans l'histoire.
Pour le moment, je n'ai pas l'impression qu'on me piège. Juste qu'on n'est pas très coopératif.

"C’est ici que j’ai plus que jamais besoin de sa présence, discrète, rassurante, avec son regard fixe pointé sur moi, un regard d’ailleurs si perçant que j’aimerais sentir en moi la vie naître et palpiter au moment même où nous nous regarderions enfin, l’un et l’autre, les yeux dans les yeux."
-> Oui, une fois encore je veux bien mais euh je dois regarder quoi ? Le narrateur ? Le renard ? J'ai le droit de faire plus que regarder ?
Et puis mince, une fois encore, on m'a dit que quoi qu'il advienne à la fin le narrateur gagne. Alors pourquoi je passe la moitié de mon temps à essayer d'être exactement le type de lecteur que le narrateur veut pouvoir piéger ?

"Dès lors, comment parvenir à écrire un vrai Chapitre 3 en racontant ni plus ni moins la même histoire que les deux précédents chapitres tout en donnant au lecteur un rôle à sa mesure?"
-> En me laissant faire mon boulot de lecteur.

"Ecrire ce mystérieux chapitre 3 alors que je n’ai toujours pas trouvé pourquoi le lecteur me lirait jusqu’au bout."
-> Mais le lecteur veut se faire piéger. Je veux me faire piéger. C'est l'enjeu qu'on m'a promis en première phrase. Pourquoi tu crois que je continue à lire ?

"Il s’agit de trouver le tour de magie qui me lierait au lecteur à chaque mot qu’il lira, parce que les mots ne se métamorphoseront en images, et les images en vie, que grâce à lui, sous sa seule impulsion."
-> Okay ça à la première lecture j'étais passé dessus sans le voir.
Le lecteur a une énorme influence en ce qu'il va de toute manière interpréter le texte. Le texte n'est qu'une série d'instructions et c'est lui qui fait le travail d'assemblage. Plutôt que d'y voir presque une lapalissade sur le contrat de lecture je me dis soudain qu'on a là un projet à la limite de l'impossible, où les instructions seraient minimales et où le lecteur serait prêt à faire 90% du boulot.
Ce qui serait cohérent avec la situation actuelle parce que bon sang j'ai l'impression de faire 90% du boulot.

"Et puisque nous sommes bien dans un chapitre 3 et non dans un premier chapitre,"
-> Je pense que c'est là que j'ai dû décrocher.
Tu viens de dire qu'on allait plonger dans la réalité à la phrase précédente, narrateur ! Alors pourquoi j'ai l'impression de continuer avec le discours général ? Plonge, plonge !

"Grâce aux deux précédents chapitres, je me connais davantage et je connais davantage le lecteur."
-> Oui ça tu l'as déjà dit.

" Comme un lecteur averti en vaut deux"
-> J'accepterais volontiers de rire si je ne riais pas jaune devant autant de répétition... dis quelque chose !

"car elle peut tout à fait dissimuler un chasseur ou pire encore."
-> Honnêtement, ça aussi ça sonne comique. Un chasseur ou "pire encore", ouais enfin je sais qu'il y a pire qu'un chasseur mais pire que la mort ? J'essaie d'imaginer pire et je vois pas, là...

"Si rien n’est pareil, c’est bien parce que le regard de chacun à changer alors même que, encore une fois, les séquences resteront, comme il se doit, immuablement identiques."
-> Arrrrrrrête de te répéter !
C'est bon, j'ai compris, on peut débattre des fonctions cognitives du sujet parlant et de la structuration systématique de l'information, c'est une discussion philosophique passionnante mais je préfèrerais qu'on m'explique pourquoi les heurts de l'eau lient l'image, pourquoi il y a une oie qui manque, pourquoi on me donne les parties du carrosse sans les lier et pourquoi on précise qu'il y a un vide entre le pont et la rivière bon sang !
Ça ne sert à rien de me dire que tout est pareil si tout est aussi différent !

"Or je ne dois pas réécrire mais écrire, tout comme il ne faut pas relire"
-> Bon d'accord, c'est peut-être plutôt là que j'avais décroché.
Déjà, d'un point de vue littérature, toute écriture est fondamentalement une réécriture à partir des matériaux précédents, d'où le principe du "nain sur l'épaule d'un géant". Nos nouveaux textes ne sont qu'une plus-value sur l'empilement de nos textes plus anciens et par pitié est-ce qu'on peut arrêter de me répéter ça ?!
Si vraiment le piège du texte est de me faire relire exactement le même texte alors autant faire en sorte que le texte soit exactement le même, et qu'on me répète tout du long "jusque-là, tout est exactement pareil". Le "jusque-là" sous-entend que quelque chose va (bientôt) changer et là je me fais piéger. Je peux même croire qu'on me ment parce qu'à ce stade ce n'est pas possible qu'il n'y ai pas de différences, moi-même je me serai persuadé d'en avoir vu, parce que j'ai envie d'être ce lecteur qui ne se fait pas piéger...
Soupir.

"Et maintenant, je l’espère, un œil expérimenté et perçant saura voir plus que ça, car chacune de nous a appris comment se déplacer avec agilité dans ce monde dont nous faisons soudain partie."
-> Je peux y voir la création d'un univers au besoin, ou aussi bien le signal de la curée, le symbole du pistolet que cache l'oie qui, si elle arrive à manier le fouet, arrive à presser une poignée de charge, et inversement alors qu'est-ce qui empêche le prédateur de disposer d'un fusil ou même d'un arc, mais plutôt d'un fusil, pour que le claquement du fouet corresponde au coup de feu et alors la vision se focalisant sur la pointe du fouet on loupe la volée sanglante qui immobilise le carrosse définitivement.
Je peux y voir l'histoire d'une famille déchirée par l'oppression de la ferme sur la forêt, et ces pauvres hères cachés qui entendent, au loin, caqueter ces saletés, et le coup de fouet qui leur rappelle tous ceux encore prisonniers, forcés de tirer la roue dans le moulin ou de porter l'eau jusqu'aux prés. Et ces belles oies, dans leurs beaux costumes, payés par le sang et la chair vendue aux marchés du village voisin.
Je peux y voir la fierté d'un mariage, à présent que le bellâtre menteur qui voulait les séparer à été remis à sa juste place et tirer le carrosse du couple sur le chemin nuptial, et cette vengeance première répétée encore et encore à mesure que la routine prend le pas, que le couple revient d'une visite et rentre à son manoir, le renard de furieux à brisé, devenue simple bête de trait. La victoire, oubliée. La justice, oubliée. Le couple lui-même n'a plus les vélléités d'antan, le temps qui passe semble plus à même de briser leurs liens que n'auraient pu le faire toutes les ruses du renard.
Je peux y voir la fierté d'un général, ancien vétéran des champs de bataille et médaillé, puis à la défaite des oies contre les canards, relégué au rang de laquais pour ce parvenu qui lui fait mener son carrosse. Et le général, dépité, se venge de sa situation sur un être tombé plus bas encore, et traîne ce carnivore incapable d'intelligence avec la même poigne dont il menait ses troupes autrefois. Ce coup de fouet comme un dernier coup d'éclat sur la route de la gloire brisée.
Dis-moi, narrateur, sur l'infinité de ce que je peux voir, ce que tu aimerais que je voie, et je te dirai ce que je verrai.

"Tout est permis du moment qu’on survive à la fin."
-> C'est pour ça que j'ai potentiellement emprisonné toute ta famille dans ma cave, et si tu ne tires pas mon carrosse jusqu'au manoir toute ta portée va servir de couvre-chef à ma portée à moi.
C'est aussi pour cela, sans doute, que tu portes un harnais qui, même si tu avais une quelconque vélléité, le temps que tu l'enlèves, me permettrait de te réduire en sang simplement avec le fouet.
C'est enfin pour cela que je t'affame, très cher renard, et que tu es tout juste assez fort pour tirer mon carrosse, et de loin pas assez pour me sauter à la gorge. Mais je t'en prie, essaie, j'aurai seulement l'agacement de devoir finir le chemin à pied.

"retentit le claquement sec du fouet d’une violence soudaine à vous en faire frémir le poil."
-> Pour être honnête, ici le claquement de fouet n'est pas très convaincant.
On me dit que le claquement est soudain, violent, et que je devrais frémir... mais il n'est pas soudain : la phrase s'allonge beaucoup. Il n'est pas violent : on a des "v" et des "f" et seulement une explosive, "p". En plus niveau voyelles "violence" est plutôt bas, /o/ /ã/, alors que par la suite on monte dans les aigus /e/ /i/.
Je ne sais pas : "retentit le claquement sec du fouet à vous en faire frémir le poil" aurait déjà mieux fonctionné.
À mon sens il aurait même fallu pouvoir simplement écrire "retentit le coup de fouet" et que le contexte en soi suffise à faire frissonner le lecteur, non pas parce qu'il se sentirait menacé mais parce que, par convention, c'est ici qu'est censé avoir lieu l'événement-clé du texte, donc, qu'il faut être le plus attentif.
Bref.

"Et comme la dernière fois, l’image a été contaminée par ce que nous avons vu pendant cet infime instant."
-> Okay, ta gueule. Narrateur, ta gueule. Avec toute la politesse de lecteur dont je peux faire preuve. Ta gueule.
Y en a marre, là, ça fait six fois qu'on me répète la même chose, c'est bon, j'ai compris, j'ai un cerveau. C'est la seconde fois qu'on me dit que l'histoire reprend et qu'elle ne reprend pas. Je ne sais même pas ce que je suis censé avoir vu : le renard va tuer l'oie ? Woohoo. Le feu ça brûle et l'eau ça mouille.
Comme le narrateur l'a dit, rien n'a changé. Rien n'a changé si JE décide que rien n'a changé. Et là ce n'est pas peine de vouloir que quelque chose change mais le seul moment où le narrateur insiste pour me dire que quelque chose a changé, c'est pour me dire que le renard a faim. Y A UN HARN-
...
Y a un harnais ?
Minute, est-ce que le renard est harnaché ?

"Il n’a quasiment pas de prise car ses griffes, dans un crissement affreux, ricochent sur la surface lisse et dure des pavés."
-> J'ai mal aux ongles rien qu'en lisant cette phrase. Là, ça fonctionne.
En même temps, "crissement" m'a toujours rappelé les joies du tableau noir.

"Au fait, qu’est-ce qui est pire, être asservi avec ce harnais pour éviter ce fouet ou se rebeller et sentir alors sa propre chair lacérée de ce geste sec et violent jusqu’au sang?"
-> Je suis censé réfléchir aux manières qu'aurait le renard de s'échapper ?
Non parce que bon, si on y réfléchit. Plutôt que d'attaquer tout de suite les deux oies, il peut simplement retirer le harnais et filer dans la forêt. Et là les oies, pas fines, elles sont immobilisées. Et si elles décident de rentrer à pied, ben elles sont mortes. Pas moyen d'empêcher le renard de leur sauter à la gorge, fouet ou pas. Plus la hauteur du carrosse pour les protéger, ni pour le voir venir.
Mais là ça ouvre la porte à tellement de questions... comme par exemple, pourquoi le renard aurait attendu aussi longtemps pour se poser la question ? S'il est encore harnaché, c'est qu'il y a déjà répondu depuis longtemps.
Il y a un principe psychologique qui est l'acceptation de la douleur. On a testé des chiens, en les électrocutant, et certains chiens pouvaient éviter la décharge électrique et d'autres pas. Puis on a testé tous les chiens en leur donnant la possibilité de l'éviter. Ceux qui avaient dû la subir auparavant n'ont rien tenté pour y échapper.
Le renard est probablement dans la même situation où, après des semaines et des mois, peut-être des années ? à tirer ce chariot, forcé par le harnais et le fouet, il n'est juste plus en position d'imaginer qu'il peut s'échapper. Sa volonté est brisée. Alors oui, l'instinct peut revenir, mais à ce stade ce n'est ni de l'appétit ni de la rage, ni quoi que ce soit. On appelle ça du désespoir. Ce n'est certainement pas une victoire. C'est misérable.

"comme pour atténuer l’horreur de ce qui bondira sur l’un de nous dès que nous serons sous son emprise."
-> Mais... mais de quoi tu parles...
C'est le truc pire que le chasseur ? Mais enfin c'est quoi ? Un clown ? Un canard ? La guerre est finie, on l'a perdue, pourquoi il y aurait encore ces fichues unités de chasseurs canards qui hanteraient les forêts ? Et quel lien avec le coup de fouet ? Ils auraient de toute manière déjà entendu le bruit des roues. Et puis, arbres ou pas, il aurait mieux valu tendre l'embuscade directement sur le pont. Ces chasseurs sont vraiment mauvais.
Je vais être honnête, mes habitudes de lecture font que quand on me parle d'une "horreur" dans l'ombre, je pense en général à un alien ou à un monstre. Et ça n'a tellement rien à faire là...

"Oui, parce que j’ai oublié de le dire, mais dans ce chapitre 3, je ne mettrai dedans ni farce ni humour, aussi noir fut-il"
-> Raté.

"Ce que nous savons à ce stade, c’est que jamais ce carrosse ne se transformera en citrouille"
-> Dixit ci-dessus.
Non, sérieusement, si le piège est de saboter son propre texte alors là oui, le narrateur a effectivement réussi à me piéger. Sauf que si c'était le but alors ce n'est pas étonnant que j'aie décroché aussi tôt la première fois.

"Elle cache certainement dans ses feuillages quelque chose, comme si ces feuillages eux-mêmes avaient le pouvoir, l’un comme l’autre, de nous dévorer tout cru."
-> Pas d'humour, pas d'humour, qu'il disait...

"Une menace qui viendrait pourtant d’un monde qu’on se refuse de voir et que nous connaitrions pourtant parfaitement et qui serait prête à surgir sur nous, maintenant, à tout moment parce que, en soi, renard ou oie importe peu quand on doit y faire face."
-> C'est pas possible ils vont affronter le Mégérévé...

"Et cette fois-ci, inutile de te dire qu’avec un harnais sur les épaules, je ne donnerais pas cher de ta peau. Surtout que je ne lâcherai pas le fouet derrière toi"
-> Aaaaah d'accord !
Voilà pourquoi il manquait une oie. Il y avait deux renards. Celui qui tient le fouet est un renard également. Roulement de tambours.
Euh... ouais ? Franchement je préférais l'option "au fait, le harnais ? Il ne retient rien du tout" et paf l'oie au civet. Parce que ça aurait été un indice intéressant à cacher, tout du long, que l'absence de harnais. On ne s'en rend compte qu'à mesure, avec toutes les peines du renard, qu'en fait cet élément assez central est délaissé.
Ici c'est plutôt arbitraire. On décide que paf, désormais ce sera un renard et woohoo.
Mais alors déjà à quoi sert 80% du texte et, ensuite, pourquoi attendre la forêt ? Le renard se retourne, bouffe l'oie qui lit sont journal. Puis, tranquille, bouffe l'autre renard. Pour pas de raison. Parce que cannibalisme. C'est quoi l'intérêt de la forêt, de l'horreur, des chasseurs et tout ce blabla sur ce qui ne change pas alors qu'on vient arbitrairement de faire un swap ?

Okay il reste un peu de texte, attendons avant de râler.

Bon.

...

Par où je commence...
Un. Arrête le chariot. Tue l'oie. Tue le renard. Barre-toi. Je sais pas fabrique-toi un radeau avec les débris du carrosse et passe par la rivière. Nage. Fais un truc. Lâche-moi les basques.
Deux. Tu es le narrateur. Tu es limité par le texte. Une fois que tu as écrit le texte, ta parole se limite au texte et tu ne pourras plus rien rajouter. C'est pour ça que tu portes le harnais. Tu t'es littéralement enfermé dans ton pouvoir et maintenant que tout est figé, moi, lecteur, je suis libre d'y ajouter autant que je veux. Il y a hélas trop peu de textes qui jouent vraiment la nécessité. Si je décide d'avoir une arme sur moi, j'ai une arme sur moi. Si je décide que dans cette forêt il n'y a pas ce que tu crains, alors il n'y a pas ce que tu crains. Et si je décide qu'en fait j'étais un ours majeur de l'espace, alors je suis un ours majeur de l'espace.
Trois. À quoi ont servir les trois quarts du texte ? Tout ce que tu m'as dit en je sais pas combien de pages c'est, petit a), que le renard veut tuer l'oie et, petit b), que le monde est cruel. Mais à ce jeu-là qu'est-ce que tu demandes ?

Okay, réfléchissons-y bien.
Ta logique est que tu gagnes quoi qu'il advienne parce que, quoi qu'il advienne, le renard harnaché, donc le lecteur, meurt. Soit tu le tues, soit l'horreur de la forêt le tue, soit il meurt d'épuisement. Mais toi, si le renard te tire dans la forêt, tu meurs aussi, parce que horreur. Tout ce qu'il peut faire c'est te sauver en s'arrêtant avant la forêt, mais là non seulement tu peux très bien sauter en course de route comme un grand, il n'a aussi aucune raison de vouloir te sauver. Au contraire, le renard souhaite ta mort, c'était dans petit a).
Et si tu meurs, en quoi tu as gagné ?
Non parce que l'un des buts explicites c'est que l'histoire continue. Mais l'histoire ne peut pas continuer si deux mètres plus loin tout le monde est mort ! Le carrosse est vide, il traîne au bord de la route, c'est fini, fin de partie, terminé ! Comment veux-tu pousser un lecteur à continuer une histoire dont la conclusion la plus probable est qu'après trois secondes c'est l'hécatombe et on referme le livre ?

Et je veux bien essayer de reconstruire comment, progressivement, je ne sais pas, un autre renard aurait secrètement réussi à grimper dans le carrosse, à tailler en pièces les oies pour prendre le fouet et tout ça sans que le premier renard, harnaché, ne s'en rende compte, mais euh... d'où ? D'où ? Pourquoi, comment, quand, et quel rapport avec cette fichue forêt ?

Au final tout ce que je reprocherais au texte est à quel point je me suis retrouvé passif.
Ce n'est pas qu'on me répète mille fois la même chose, qu'il ne se passe rien, qu'à la fin on me sort un retournement de nulle part et que je suis censé craindre la forêt pour pas de raison. J'aurais fait l'impasse sur tout ça si seulement le texte avait bien voulu me rendre actif.
Mais en l'état j'ai passé la majorité du texte à attendre de jouer mon rôle de lecteur qui déjoue des pièges qu'on ne m'a jamais mis en scène, et qui continuerait une histoire qui n'a pas de sens.
Et je ne parle pas de "sens" au sens de "je n'ai pas compris", je peux comprendre. Juste pas de "sens" au sens de "mais pourquoi on en parle". Si le thème est la cruauté alors c'est une cruauté plutôt bof. Okay là on parle de cannibalisme mais c'est à peu près tout, à la fin les questions d'esclavage passent carrément au second plan voire sont oubliées pour cette histoire d'horreur sortie tout droit d'un mauvais film de science-fiction. J'aimerais te craindre, narrateur, mais à la place tu me dis de craindre je sais pas quoi.

Le texte a au moins réussi une chose : effectivement, effectivement, j'ai envie de sauter à la gorge du narrateur. Ça, okay.
Pour le reste...
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20244 il y a 9 ans 1 mois
Je te remercie d'avoir pris le temps et la peine de faire un si long commentaire. Mais si je devais en faire de pareil pour tes textes, je doute que cela te soit utile. :(

On est dans une situation du narrateur vs le lecteur. Et là se pose un premier problème... un peu comme dans la Stanley Parable, ma meilleure chance de victoire est d'ouvrir le menu et d'appuyer sur "Quitter".

OK, je lis ton pacte du lecteur et moi ausi je lis ta critique. Ett je vois quoi, un lecteur qui veut pas faire le renard et préfère la mauvaise foi. C'est dommage vu ce que tu exiges de tes lecteurs dans tes textes. Ce texte, je sais fort bien qu'il est pas parfait, mais là, qu'un lecteur aussi habile que toi ne veut même pas se donner la peine de voir les quelques enjeux du texte, j'avoue être... consterné.

Plus je relis le premier paragraphe et plus je me dis que le contrat de lecture est étrange. On me dit que, quoi qu'il advienne, le narrateur gagnera (gagnera quoi ?) et, inversement, que pour gagner le narrateur a besoin d'un lecteur particulier. Le "quoi qu'il advienne" en prend un coup. Mais plus bizarre encore, j'ai envie de jouer le jeu et du coup ma première question est "d'accord, qu'est-ce que je dois faire ?"

Le pire c'est que tu les vois dès le départ mais que tu as décidé de ne pas jouer... Donc cela ne servait à rien de te forcer. :(

Le problème, il me semble, c'est que tu as décidé que le lecteur devait faire tout le travail. Ca c'était ton texte. C'est un chapitre 3. Ce n'est plus ce jeu de renard. :) Mais je sais que ce texte cloche. Mais fais-le en te disant que ce texte est avant tout un texte humoristique et d'humour noir.
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20245 il y a 9 ans 1 mois
Indéniable mauvaise foi mais j'accuse au moins en partie le texte. Comme dit, on est dans une logique du "narrateur vs lecteur", il était presque inévitable que je me mette sur la défensive.
Alors oui, sans doute que je n'avais pas la bonne posture de lecture, mais... mais quelle posture j'étais censé prendre ?

J'ai cité le " je rentrerais dans tout ça à reculons" et j'ai vraiment passé un moment à me demander "mais le 'reculons' doit être volontaire, y a un truc derrière", mais même maintenant, quand tu me dis que c'est un texte humoristique, ce "reculons" ne semble mener nulle part.
Ou alors je ne sais pas, le renard est en train de pousser le carrosse dans l'autre sens, on fait vraiment de la marche arrière, ça ce serait drôle, mais alors pourquoi on me dit qu'il tire...

Si le texte était humoristique alors il aurait fallu mettre un signal pour dire qu'il l'était. Simplement dire le "pas de blagues ni d'humour" dans le premier paragraphe.
-> "Raconter une histoire de renard n'est rien si on vous raconte la fin. Et pourtant, c'est ce que je vais faire. À la toute fin, quoi que pense ou fasse mon lecteur, je devrai avoir gagné. En tout cas, tel est le défi que je me fixe cette fois-ci pour écrire cette histoire. Aussi, je ne mettrai dedans ni farce ni humour, aussi noir fut-il. Et c’est bien pourquoi je fais appel à vous. Cette fois-ci, pour réussir, j’ai besoin d’un lecteur qui soit suffisamment affuté pour déjouer tous mes pièges..."
Tu pourrais même forcer le trait :
-> "Raconter une histoire de renard n'est rien si on vous raconte la fin. Et pourtant, c'est ce que je vais faire. À la toute fin, je gagne. Mon lecteur, quoi qu'il tente ou fasse, n'y pourra rien. Aussi, il n'y aura dans cette histoire ni farce ni humour, aussi noir soit-il. Donc, pour réussir, j'ai besoin que le lecteur m'aide."
Et là c'est bon. Là c'est clair. Là le narrateur est mis en scène, vraiment, comme un personnage comique. Il est totalement persuadé de sa victoire, il ne voit pas ses contradictions, il est convaincu d'être sérieux. C'est d'ailleurs, si tu y penses, fascinant que le narrateur, qui est censé être l'entité supérieure du texte, sans rien au-dessus de lui, se fait finalement moquer par le texte qu'il est censé raconter. Mais bref.
Si le premier paragraphe avait ressemblé à ça, jamais je n'aurais pu m'y tromper. Au lieu de me questionner sur le contrat de lecture j'y aurais vu une bonne blague et j'aurais engagé le texte sous les meilleurs auspices. Enfin, si le reste du texte suit.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20246 il y a 9 ans 1 mois
L'humour est certainement assez difficile à percevoir sur la première lecteur. Mais il y a la phrase finale. Ce qui m'étonne, c'est que tu n'aies pas vu la part d'humour (noir) dans la phrase final:

Voici mon monde et soyez le bienvenu !

Même si on n'a pas vu que je me moquais du lecteur (et ça c'est très vilain de ma part), cette dernière phrase doit quand même amener des doutes. Pour moi, c'est typiquement une phrase de renard qui oblige à tout reconsidérer ce qu'on a lu. Et tu concéderas que ce bienvenu est quand même des plus curieux, non? Ca ne donne pas envie d'y rester, non? Bref, j’espérais qu'on perçoive ce paradoxe pour y découvrir l'humour du texte.

Quand je dis humour, c'est sans doute un humour personnel. Par exemple, dire à quelqu'un la fin du texte dès le début, je trouve ça drôle. qu'il va perdre pour le pousser à lire, je trouve ça drôle. Dire qu'en plus il connait déjà toute l'histoire, qu'il ne va rien se passer et dévaloriser ce que le lecteur doit lire et lui en gros qu'il va s'ennuyer tout le long, je trouve ça drôle.
Répéter et insister lourdement sur des points je trouve ça drôle. C'est sûr que le lecteur n'est pas censé le voir d'entrée de jeu. Mais d'un autre côté, je précise que c'est un texte de renard et que je vais m'amuser avec le lecteur. Pour moi, le pacte est là. Le lecteur sait qu'il va être malmené. Et comme d'habitude, tout le début dit méthodiquement tout ce qui va se passer. Mais la partie métadiscours est trop lourde et certainement trop longue (même si ça a pour moi un rôle inhérent au sens du texte, mais je vais essayer de l'expliquer plus loin).

Mais bon, tout le début sert pour beaucoup à le décourager de lire comme je l'ai dit. C'est un peu la torture qui commence. Or dans ce texte, je suis le tortionnaire.

J'ai cité le " je rentrerais dans tout ça à reculons" et j'ai vraiment passé un moment à me demander "mais le 'reculons' doit être volontaire, y a un truc derrière", mais même maintenant, quand tu me dis que c'est un texte humoristique, ce "reculons" ne semble mener nulle part.
Ou alors je ne sais pas, le renard est en train de pousser le carrosse dans l'autre sens, on fait vraiment de la marche arrière, ça ce serait drôle, mais alors pourquoi on me dit qu'il tire...

A dire vrai, c'est de l'humour tordu. Je lui dis en gros: je te plains, tu vas t'ennuyer et en plus tu vas te faire avoir. En gros, je joue avec le côté masochiste du lecteur s'il veut me lire... :) Et sa seule carotte, c'est de penser: "est-ce que je vais me faire avoir ou suis-je assez futé pour ne pas me faire piéger alors même que je suis averti de tout ce qui doit m'arriver"? pour moi, c'est quand même un sacré pacte de lecture. Et dis-moi, est-ce que tu n'es pas rentré dans le texte en partie pour ça?Seulement, effectivement, le début est volontairement laborieux pour donner un prix à cet effort. C'est là où je ne sais pas si j'en fait pas trop. Maintenant, avec une relecture avec le second degré que je t'ai indiqué, est-ce que le texte l'est toujours autant ou est-ce que ce côté redondant et piétinant ne devient pas lui-même un effet comique (ou est*ce que cela reste ennuyant)?

Le lecteur a une énorme influence en ce qu'il va de toute manière interpréter le texte. Le texte n'est qu'une série d'instructions et c'est lui qui fait le travail d'assemblage. Plutôt que d'y voir presque une lapalissade sur le contrat de lecture je me dis soudain qu'on a là un projet à la limite de l'impossible, où les instructions seraient minimales et où le lecteur serait prêt à faire 90% du boulot.

Je crois aussi que ton erreur vient du fait que je ne suis pas dans l'idée que le lecteur doit faire le travail à ma place. C'est le contraire. Je le saucissonne pour qu'il ne puisse plus se sauver. C'est ici que se situe l'humour noir. Car pourquoi je le fais?

D'un autre côté, quand tu écris:

Le texte a au moins réussi une chose : effectivement, effectivement, j'ai envie de sauter à la gorge du narrateur. Ça, okay.
Pour le reste...

Je me dis que malgré tout le texte fonctionne un peu et que tu as certainement profondément ressenti à quel point le lecteur était malmené dans le texte. Je ne pense pas l'avoir fait d'une manière forcément aussi élégante que je l'aurais voulu, mais indéniablement, que cette idée, et à la limite même ton agacement à mon égard, fait parti du texte, même si j'aurai préféré que le lecteur que tu es en rit et se dise "il m'a bien eu"...

"Si rien n’est pareil, c’est bien parce que le regard de chacun à changer alors même que, encore une fois, les séquences resteront, comme il se doit, immuablement identiques."
-> Arrrrrrrête de te répéter !

Par exemple ici, je dis que nous ne sommes plus pareil. D'après toi pourquoi? Et pourquoi je le répète? D'abord, la première fois, je le dis pour lui expliquer ce qui va se passer. Et là, je je le répète parce qu'il doit normalement comprendre ce que cela signifie. C'est en partie drôle, parce que normalement, je sais qu'il ne va pas comprendre la phrase malgré la répétition et s'il la comprend, il tombe dans le piège encore plus tôt.

Si vraiment le piège du texte est de me faire relire exactement le même texte alors autant faire en sorte que le texte soit exactement le même, et qu'on me répète tout du long "jusque-là, tout est exactement pareil". Le "jusque-là" sous-entend que quelque chose va (bientôt) changer et là je me fais piéger.

Pour moi, encore une fois, ce sont des phrases qui donne exactement ce qui est en train de se passer. Pour le lecteur, il voit la même chose et, en tout cas, je l'espère, il cherche ce qui a changé. Et là aussi, il se met à changer de rôle. Dans mon chapitre 2, j'étais un renard qui mordait le lecteur littéralement à la gorge, même s'il n'est pas censé le voir (et c'est ce qui faisait que je perdais). S'il a compris le chapitre 2, il sait ce dont je suis capable. Donc pour ne pas voir le texte de la même façon, il doit bien entendu changer de regard (et c'est certainement ce que tu as fait, même si toi, tu as d'entrée de jeu un regard de renard).

Dis-moi, narrateur, sur l'infinité de ce que je peux voir, ce que tu aimerais que je voie, et je te dirai ce que je verrai.

Cela fait parties de mes doutes. Je ne sais pas si effectivement ce type de phrase produit l'effet escompté. Visiblement non. Pour moi, c'est juste pour lui dire que là, on ne joue plus. On est face à face et on doit s'affronter pour savoir qui va gagner.

J'ai cité le " je rentrerais dans tout ça à reculons" et j'ai vraiment passé un moment à me demander "mais le 'reculons' doit être volontaire, y a un truc derrière", mais même maintenant, quand tu me dis que c'est un texte humoristique, ce "reculons" ne semble mener nulle part.
Ou alors je ne sais pas, le renard est en train de pousser le carrosse dans l'autre sens, on fait vraiment de la marche arrière, ça ce serait drôle, mais alors pourquoi on me dit qu'il tire...

Ah non! C'est beaucoup plus drôle si il sent à quel point ce qu'il tire est lourd! ;) Encore une fois, c'est bien ce qui se passe. Je n'arrête pas de charger comme une mule le malheureux lecteur et de le harnacher pour lui priver toute liberté.

Voilà pourquoi il manquait une oie. Il y avait deux renards. Celui qui tient le fouet est un renard également. Roulement de tambours.

Par exemple, cette remarque montre soit que mon texte ne fonctionne pas du tout (d'ailleurs, je dois t'avouer que dans ma tête il n'y avait qu'une seule oie dans ton texte, donc ça peut certainement te jouer des tours, donc tu as d'excellents excuses car le fait d'avoir écrit le chapitre 1, forcément te met dans une situation très particulière..) Parce que la bonne question serait plutôt comment se fait-il que le lecteur soit un renard? Pour moi, si tu l'acceptes comme ici, c'est que le texte fonctionne (sans doute pour une partie des raisons qui t'auront agacé). Sauf que, comme je l'ai dit, il n'y a qu'un seul renard. Et c'est bien ici qu'il y a un piège, non? Et que tu refuses de voir la conclusion évidente m'a vraiment surpris. Et là aussi, pour ma part, je trouvais ça drôle... Encore un rire au dépens du lecteur, car quand il croit déjouer le piège parce qu'il devient l'égal du narrateur, il est justement en plein dedans.

Voilà, c'est vrai que j'ai certainement un humour très particulier. Il y a effectivement pas mal de sadisme de ma part, mais, après tout, c'est bien moi qui ait le fouet, pas le renard... Donc voilà, avec ça, je pense que tu as les clés pour prendre le recul sur la part comique du texte. Ce qui m'intéresserait de savoir, c'est si je peux arriver à faire partager mon humour avec mon lecteur, malgré que ce soit à ses dépens... Et c'est ça pour moi la forêt, c'est peu l'obliger à replonger dans le texte pour le relire et découvrir tout ça... Et de manière plus sérieuse, c'est aussi affronter la sauvagerie qu'on a tous en nous et qu'on se refuse à affronter. Et le texte invite aussi à y plonger (du moins tel que je le voyais, mais ça, j'ignore si le lecteur a vraiment les moyens de le comprendre, pourtant, il me semble que je ne cesse de lui dire le plus littéralement).
La grande difficulté du texte, c'est qu'en jouant de la sorte avec le lecteur, je ne fais que le prendre de haut. Et cela contribue certainement à ton agacement légitime. Mais c'est aussi un texte où je n'ai pas le beau rôle, je suis le tortionnaire et le bourreau. C'est bien le lecteur qui a le beau rôle, pas moi. Et je demande effectivement beaucoup au lecteur alors que ma victoire, elle, est sans gloire. Pour moi, le lecteur qui affrontera la forêt ou qui osera défier le fouet, même s'il perd, en sortira grandi... Et c'est bien l'un des enjeux que j'avais fixé clairement et littéralement dans mon texte.

Bref, maintenant, j'ignore si ton regard sur le texte change, si tu penses que le pacte avec le lecteur est respecté ou pas (pour moi, il l'est car tout se passe le plus littéralement possible). Il y a un passage que je suis surpris que tu n'aies pas relevé, c'est celui où je commence à ne plus être un renard. Je ne sais pas si on peut le comprendre. Pourtant, encore une fois, c'est dit littéralement si on regarde le texte en acceptant qu' le lecteur et le narrateur ne sont plus les mêmes que dans les autres chapitres. Pour moi, il y a deux passages clés, celui-la et celui où je montre que j'ai le fouet car ici, je prends le risque de dire les choses sans savoir si le lecteur est vraiment devenu un renard de son plein gré à ce stade du texte (pour moi, il doit l'être depuis déjà longtemps). C'est d'ailleurs ici où je demande au lecteur d'être actif. Pas d'imaginer l'histoire (surtout pas!) mais devenir à son tour un renard. Et c'est là où j'ai besoin d'avoir des retours pour savoir si j'y parviens ou pas. Et si oui, si ce n'est pas laborieux (or je pense que cela l'est et que c'est ici la plus grosse faiblesse du texte).

Voilà ce que j'ai voulu faire avec ce texte. C'est un texte pas très plaisant à lire et pourtant cela fait partie du pacte. Seulement, j'ignore si mes choix sont à la hauteur de mes objectifs... Ou si on pouvait faire mieux (on le peut certainement). Mais j'ai beaucoup travailler ce texte pour y parvenir (et cela se sent, et cela contribue certainement à sa lourdeur malgré mes efforts finaux pour l'alléger. La première mouture doit traîner encore dans les travaux d'écriture, je crois).
Portrait de Vuld Edone
Vuld Edone a répondu au sujet : #20247 il y a 9 ans 1 mois
Je suis forcé de commencer par la phrase de fin, et ce "soyez le bienvenu". Le texte me disait qu'il voulait voir le lecteur "continuer l'histoire", au-delà. Ce qui se sent dans mes commentaires.
Du coup, quand j'ai lu la dernière phrase, au lieu de regarder tout le texte qui précédait, je regardais "tout ce qui pouvait suivre". Et la seule chose que je comprenais c'était "bienvenu dans mon monde, tu vas mourir".

J'imagine qu'Impe', à ma place, dirait "le texte fonctionne trop bien". Repense à mes lectures hachées, mes décrochages... et le fait, avouons-le, que je me suis un peu forcé oui, pour arriver à la fin. Tu peux rire aux dépens du lecteur mais c'est comme un maître de jeu, en jeu de rôle, dont le seul but durant une séance serait de tuer tous ses joueurs (mais lentement, sadiquement, deux heures de torture).
À la fin de la partie les joueurs ont du mal à rire. Il te faudrait un lecteur masochiste.

C'est vrai que, du coup, tes messages en texte fonctionnent. Le chariot est lourd à tirer, ça fait sens. Les répétitions font sens. La narration qui partait dans tous les sens fait sens.
Mais voilà.
J'en reviens à ma toute première remarque : on est en situation de "narrateur vs lecteur". Tu ne peux réussir un tel texte que si tu ris "avec" le lecteur. Si tu lui rend l'expérience pénible, mais amusante. Qu'il puisse rire lui-même de ses efforts.

J'aimerais revenir sur le passage où le narrateur se prend pour une oie -- je l'avais noté, je ne savais juste pas du tout quoi en faire... -- ou revenir sur l'introduction un peu longue...
Mais pour être honnête ce texte ne m'en donne aucune envie.
J'aimerais surtout réfléchir à la manière de transformer le texte en une coopération avec le lecteur, plutôt qu'en confrontation. Parce qu'en cas de confrontation la seule manière de gagner, c'est la nécessité, et même alors le lecteur peut toujours, comme dit, faire demi-tour et rendre le narrateur au silence.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20248 il y a 9 ans 1 mois
Ce que tu oublis et qui est pour moi fondamental, c'est que nous sommes dans un chapitre 3. Cela fait 3 fois qu'on raconte la même histoire sans qu'elle ne soit jamais la même. Comment aurais-tu à ton tour écrit un tel chapitre 3 à partir de ton chapitre 1?

Je trouve quand même que le texte se présente non pas comme un affrontement mais comme une proposition ludique. Qu'il devienne après un véritable affrontement après, cela dépend du lecteur. Le piège, c'est que le texte est une maniplulation sur le fait que le lecteur ne peut s'empécher de fonctionner en renard. Il pourrait choisir de rester une oie, mais il préfère être un renard. Certes, je le pousse à le devenir, mais il est malgré tout libre de refuser de le devenir. Et c'est en ça qu'il s'agit d'un chapitre 3 et que je ne cesse de dire que le lecteur et le narrateur ne sont plus les mêmes. Dans un chapitre 1, le narrateur est un renard et le lecteur un oie. C'est logique. AU bout de 3 chapitres, le lecteur se dit qu'il n'est plus une oie et donc qu'il est capable de fonctionner à son tour en renard pour ne pas se faire piéger. La leçon du chapitre 2, c'est qu' Il ne doit pas avoir envie de se faire mordre. Donc voilà selon moi l'esprit du lecteur du chapitre 3. Mais j'ai écrit ce texte aussi pour que le lecteur qui n'a pas lu les précédents chapitres soient en mesure d'être assez aguerri pour rentrer dans le chapitre 3. Cela contribue certainement à la lourdeur du texte (et au fait que, toi, tu vois beaucoup de piétinement laborieux).

Du coup, quand j'ai lu la dernière phrase, au lieu de regarder tout le texte qui précédait, je regardais "tout ce qui pouvait suivre". Et la seule chose que je comprenais c'était "bienvenu dans mon monde, tu vas mourir".

Oui, mais tu es d'accord que personne n'a envie de mourir. Et d'ailleurs, il ne meurt pas vraiment à la fin. Il est juste placer face à un mur et il doit se débrouiller pour s'en sortir. La situation est inconfortable mais comment lui fire sentir davantage la situation du renard si ce n'est de le lui faire vivre à sa place?

Dans ton chapitre, le narrateur est un renard qui tire le chariot pour emmener le lecteur là où il veut mais en se jouant du lecteur pour qu'il écrive ton histoire à ta place mais en lui donnant envie de l'écrire (et donc de lui donner au final exactement ce que le lecteur attend d'un narratur). Ici, il est une oie et elle attend que le lecteur se mette dans la peau du narrateur prisonnier de la volonté du lecteur. Bien des lecteurs sont des bourreaux parce qu'ils exigent de lire du narrateur ce qu'ils ont envie. D'ailleurs, tu es certainement le premier a le ressentir. Comment écrire ce que toi tu as profondément envie tout en donnant envie au lecteur de te lire alors qu'il n'est pas censé aimer ce qui, toi, t'intéresse? Comment; toi, peux-tu surtout ne pas écrire tout ce que tu détestes alors que le lecteur attend ça de toi? Ce texte joue avec tout ça.

J'imagine qu'Impe', à ma place, dirait "le texte fonctionne trop bien". Repense à mes lectures hachées, mes décrochages... et le fait, avouons-le, que je me suis un peu forcé oui, pour arriver à la fin. Tu peux rire aux dépens du lecteur mais c'est comme un maître de jeu, en jeu de rôle, dont le seul but durant une séance serait de tuer tous ses joueurs (mais lentement, sadiquement, deux heures de torture).
À la fin de la partie les joueurs ont du mal à rire. Il te faudrait un lecteur masochiste.

Je ne suis pas tout à fait d'accord. Je donne tous les atouts aux lecteurs pour comprendre ce qui va se passer. Un maitre du jeu ne commence pas sa partie en disant vous aller tous mourir parce que j'ai envie de m'amuser avec vous. Le pacte de lecture que je propose est différent. En disant que le lecteur va perdre d'entrée de jeu, je le pousse à réfléchir pour ne pas perdre. Il va chercher à ne pas tomber dans les pièges. Et à dire vrai, je compte sur le fait qu'il se dise qu'il sera plus malin pour ne pas y tomber et que ce pacte ne fonctionnera pas avec lui. C'est moi qui prend tous les risques et disant d'entrée de jeu.
Et j'espère que ce départ apparait comme un sacré paradoxe. Et je suis certains que toi aussi, tu t'es dit que tu ne pouvais pas perdre dans un texte où on te dit "fais gaffe je vais tout faire pour que tu perdres et quoi que tu fasse s tu verras que tu as perdu" et ce, dans un cadre prédefini. Pour moi, j'ai écrit ce texte en pensant à des magiciens qui te disent qu'ils vont faire un truc impossible sous tes yeux et que tu regardes sceptiques parce qu'on peut pas te la faire et au final, tu es d'autant bluffé par ce que tu vient de voir et de vivre. Sauf que moi, c'est effectivement mmoi sexy et nettement moins agréable. C'est d'ailleurs une piste. Je devrais aussi dire "attention, vous allez tomber dans un piège et vous verrez que ce n'est pas du tout agréable et vous m'en voudrez sans doute". Mais pas sûr que cela aide vraiment le texte.
Quant au masochisme du lecteur, je crois que certains le sont. On est prêt à lire des trucs difficiles, des trucs pas du tout divertissant, des trucs parfois où on ne capte pas tout. Et pourtant on va jusqu'au bout. Donc oui, il me faut un lecteur un peu maso, ou un lecteur qui aime jouer, quitte à perdre. Peut-être que toi tu ne voulais pas perdre? Moi je suis joueur et je préfère perdre si la partie est belle que gagner si la partie est nulle. J'aime gagner quand c'est difficile , pas écraser mon ennemi quand c'est facile. Mais le fait est que tout le monde n'est pas comme moi... Et qu'à travers ce texte, j'expose grand le flanc à ceux qui ne serait pas comme moi. Et c'est effectivement l'une de mes grandes interrogations sur ce texte: ce qui m'amuse et ma façon de jouer sont-elles capables de fonctionner avec tout le monde? Tu as le mérite d'avoir servi de cobaye. Et effectivement, il y a certainement le sentiment d'être un cobaye et que ça, c'est effecivement pas très sympa. A voir comment l'atténuer parce que ça ne donne pas envie de jouer.

Un maitre du jeu a toutes les options et peut s'ajuster et en faire à sa guise. C'est impossible avec un texte où tout est écrit à l'avance.
Moi, mon idée, c'est surtout que le lecteur se dise à la fin: il m'a bien eu. Et non, je suis mort dans d'attroce souffrance sans que je ne puisse rien faire. Je mens quand je dis qu'il n'y aura pas d'humour noir, mais tout le texte dit le contraire. C'est ici où je suis effectivement exigeant avec le lecteur. Il doit être assez grand pour comprendre qu'il y a un jeu et que plusieurs phrases sont quand même curieuse si on y voit pas des notes d'humour.
Alors certes, plus on approche de la fin et moins c'est un humour plaisant parce qu'il devient macabre. Mais on reste bien dans l'esprit du texte qui est celui d'un jeu avec le lecteur. J'attends juste que le letcuer soint consentant de jouer avec moi et de vivre l'expérience que je lui propose. Et là, clairement, je ne mens pas. Et il était libre de ne pas vouloir jouer en refermant le texte tout de suite. Pour aller dans ton sens, il faut quand même que je revois un peu le texte pour le rendre moins laborieux à lire. Cela doit rester un jeu et non provoquer de l'ennui...

Bref, dans cet affrontement, le lecteur ne meurt pas. Il est juste face à la réalité du texte. Une réalité qu'il n'a sans doute pas voulu voir mais qu'à la fin il est forcé d'affronter. C'est ici que je ne sais pas s'il fontionne vraiment. J'ai l'impression que 'on réfléchit à la solution pour s'en sortir alors que je suis inétressé par le fait que le lecteur ressente exactement ce que vis le renard à cet instant précis. Et qu'il se sente à son tour oppressé par ce qu'il a à affronter et à envisager et que je n'ai cessé de lui demander d'imaginer.
Portrait de Mr. Petch
Mr. Petch a répondu au sujet : #20251 il y a 9 ans 4 semaines
Alors... Allons-y sur ce texte qui, après relecture, reste relativement énigmatique. Pour ma défense, je n'avais suivi que de loin les deux chapitres précédents.
Zara, pour répondre strictement à ta question :

A défaut de commenter ce texte, pourriez-vous juste m'indiquer si le piège fonctionne et si l'impression finale qu'il laisse vous parait cohérente avec le programmme défini?


Donc... Non. En fait je crois que je n'ai "pas vu" le piège. Mais je vais m'expliquer en parlant de la façon dont j'ai lu le texte.

Ce qui m'a frappé le plus, et qui me fait répondre "non" à ta question, et l'ambiguïté jamais vraiment résolue de deux identifications.
La première identification est celle de ton lecteur "réel" par rapport au lecteur-personnage du texte. Parce que quand je lis ce texte et que je lis :

A la toute fin, quoi que pense ou fasse mon lecteur, je devrais avoir gagné.


Je n'interprète pas (j'insiste exprès sur les mots importants):

A la toute fin, quoi que tu penses, toi mon lecteur, moi l'auteur de ce que texte je devrais avoir gagné.


Mais j'interprète :

A la toute fin, quoi que pense au fasse le lecteur-personnage, le narrateur-personnage devrait avoir gagné.


En gros, je me sens confronté à une alternative :
- soit je m'identifie complètement au lecteur-personnage, et je joue le jeu de l'illusion narrative
- soit je m'identifie au complice du narrateur, qui va l'aider à piéger le lecteur
J'ai le sentiment que tu nous incites à cette seconde option par l'emploi des pronoms. Il y a plusieurs moments où tu dis "notre lecteur". Et ce nous englobe le narrateur+le lecteur réel face au lecteur-personnage.

Bref : première ambiguïté d'identification, je ne sais pas si moi (le lecteur réel) je suis le complice du narrateur ou son adversaire.

Deuxième ambiguïté d'identification : qui est le renard. Cette ambiguïté là, je le sens, est plus réfléchie. Il y a cette phrase, par exemple :

Un renard rusé qui sait d'avance comment se terminera l’histoire et qui, cette fois-ci, fera tout pour gagner.


Avec l'emploi du verbe "gagner" qui fait clairement écho à l'intro du texte et qui laisse le lecteur réel devant l'équation suivante : le renard = le narrateur ; l'oie = le lecteur-personnage. Et finalement cette équation me laisse perplexe car je n'en saisit pas forcément le sens.

Je me dis que la "passivité" du lecteur (réel) tient peut-être à ces problèmes d'identification, et cet embrouillamini entre qui il est, comment doit-il se positionner face au narrateur, comment doit-il se positionner face au renard ? En un sens, les issues ne sont pas suffisamment claires alors que tout le texte ne cesse de faire comme si tout était clair :

Maintenant que nous avons vraiment fait le tour des rôles de chacun, revenons un instant au cœur de la réalité.


Mmh... Non, malheureusement à ce stade je suis troublé parce que le narrateur m'assure que le texte est clair alors que je n'ai pas compris. A la rigueur, je m'en fiche de ne pas avoir compris (au contraire !) mais le discours du narrateur rentre en contradiction avec mes sensations.
D'où la passivité du lecteur réel : c'est une position de confort face à un texte qui n'est pas compréhensible alors qu'il ne cesse d'affirmer sa compréhensibilité. Alors autant ne pas s'impliquer dans le texte, dans ce cas, et le lire avec du recul. Mais du coup, le recul fait qu'on ne s'implique pas dans le jeu.

Pour souligner deux autres défauts que le renard (le nôtre je veux dire :P ) n'a pas manqué de développer avec sa verve habituelle :
- la phrase "je devrais avoir gagné" pose vraiment problème parce qu'on ne comprend pas "gagner quoi ?" au moment où on le lit. Ce n'est pas clair et frustrant dans la mesure où cela est présenté comme un enjeu majeur du texte. Le reste du texte donne des indices, mais du coup perdre son temps de lecture à comprendre ce que le narrateur doit gagner empêche de s'immerger vraiment dans la lecture
- il y a vraiment trop de répétitions ! ;)

**

Une précision quand même : au-delà de ces considérations et de la réponse à ta question, je dois bien dire que, paradoxalement, j'ai trouvé le texte en lui-même très agréable à lire. Au sens de fluide, amusant, plutôt enjoué et bien écrit. Et c'est bien le problème : j'ai apprécié la lecture mais je me suis vraiment réfugié dans le rôle du lecteur-complice du narrateur qui regarde le lecteur-personnage se faire piéger.

Voilà... en espérant que ça t'aide !
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20492 il y a 8 ans 6 mois
Tiens, vu l'âge du dernier commentaire je me dis que Zara ne doit pas bcp passer par ici ces derniers temps :D
Alors ce texte est très bizarre évidemment, et tu sais qu'il est bancal, je ne vais pas m'attarder là dessus.
Déjà, ça se voit que tu l'as bcp travaillé, y'a bcp moins de fautes que dans les 5è et 6è portraits que j'ai lus récemment, et c'est agréable.
J'étais bien prise dans la lecture pendant la première moitié du texte où tu ne fais que parler au lecteur de ton histoire, sans avancer dedans. Et j'avoue que j'ai complètement décroché quand on en est arrivés à l'histoire proprement dite. Je crois que je rejoins les commentaires précédents en disant que ça me semblait une redite, inutile, comme si tu nous avais déjà tout dit et qu'on recommençait tout à nouveau. Bien sûr il y a aussi le fait que c'est un chapitre 3 et qu'on connait déjà l'histoire du renard au harnais, de l'oie, du pont, de la forêt. Pourtant je ne me rappelle pas au juste des chapitres 1 et 2, mais je me rappelle de discussions à ce sujet. Et une fois que tu as exposé ton propos en première partie, une fois qu'on se retrouve à l'endroit annoncé, c'est fini. Je ne dirais pas qu'il n'y a plus d'enjeu, et s'il s'était passé quelque chose, tout à coup, j'aurais été accrochée. Mais il ne se passe rien, comme prévu, et personnellement j'ai perdu tout intérêt pour le texte assez rapidement.
Et je ne sais pas si on pourrait faire mieux en partant de la situation telle que tu l'as posée : sans qu'il ne se passe rien.

En fait si, je me demande si je n'aurais pas abordé tout cela très différemment si tu avais fait cette introduction où tu parles au lecteur dans un texte complètement séparé.
Parce que je suis d'accord avec Fufu qui dit que c'est un affrontement. Tu parles de pièges, d'être affûté pour les déjouer, tu parles d'essayer de se surpasser. Tu présentes aussi ta démarche, et cet ensemble j'ai trouvé ça très intéressant. Mais il y a cette part de lecteur VS narrateur. Et ce n'est pas la bonne attitude pour entrer dans ton chapitre 3 de renard au harnais, pas du tout, je pense.
Alors il aurait fallu que ce chapitre 3 ne soit pas mis avec cette introduction. La réflexion est pertinente, mais ne sert pas le texte. Le chapitre 3 du renard au harnais devrait être pris en tant que tel, et pas comme une réponse à ton introduction, parce que ça ne marche pas comme ça.
Juste une matière de présentation du coup. Tu en fais deux articles différents, deux textes séparés, et là, je ne fais pas de pari mais je dirais que ça pourrait marcher.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20493 il y a 8 ans 6 mois
Tout d'abord merci pour ton marathon de lecture!

Il est bizarre, oui, par contre, je ne pense pas qu'il soit vraiment bancal, ou alors pas comme tu l'imagine parce quec'est un peu le but pour moi que le lecteur ait eu l'ipression d'être mal mené par le texte. Il est logique que ce texte ne soit pas trop aimé.
En fait, une partie du problème vient du fait qu'il fonctionne trop bien. C'est un texte où tout se passe entre le lecteur et le narrateur. Et c'est surtout un texte où je malmène le lecteur, donc je pense que c'est aussi ce qui fait qu'il puisse être ressenti comme bancale.
Mais il n'est pas parfait. Et je ne sais pas quoi en penser ni quoi en faire. Ce qui m'intéresserait de savoir c'est si tu as adopté un regard de renard et à partir de quand.

Mais il y a cette part de lecteur VS narrateur. Et ce n'est pas la bonne attitude pour entrer dans ton chapitre 3 de renard au harnais, pas du tout, je pense.

Je ne sais pas. Pour moi, c'est justement parce qu'on est au chapitre 3 qu'on ne doit plus se faire de cadeau. Et c'est bien l'idée de faire un duel à mort. Ce que j'ignore c'est si c'est l'inconfort dans lequel je mets volontairement le lecteur qui produit ta réaction mitigé (et du coup logique) ou autre chose qui fait que c'est un texte qui ne fonctionne pas. Mais si tu t'es sentie à un moment renard et que tu te voyais mordre le cou de l'oie... c'est que tu étais devenue un renard, donc écrire l'histoire à ma place. C'est pourquoi il est logique de perdre à la fin...
Ce qui n'est pas logique, c'est que moi-même je ne me sente pas très à l'aise avec le texte... Comme s'il me piégeait aussi à la fin.
Portrait de San
San a répondu au sujet : #20496 il y a 8 ans 6 mois
Non moi je ne me suis pas du tout sentie renard. Et je crois qu'en lisant les autres commentaires, je n'étais pas la seule. Donc je dirais que ça ne fonctionne pas trop bien à l'heure actuelle.
Quant au duel, il est bien présent dans la première moitié du texte, dans l'intro, mais je ne le retrouve pas du tout dans l'histoire proprement dite. Probablement parce qu'il ne se passe rien du tout ou rien qui n'ait pas été annoncé dans l'intro... Enfin c'est mon analyse.

Et en note : de rien pour le marathon ;) Je ne me sens pas du tout pour la sentinelle par contre, pour le moment en tout cas.
Portrait de Zarathoustra
Zarathoustra a répondu au sujet : #20497 il y a 8 ans 6 mois
Oui, en fait, tu as raison, le texte fonctionne mal... Et quand les lecteur veulent jouer, ils ne jouent pas exactement comme il devrait.