L'avantage des mois calmes est qu'il est alors possible de parler de tout ce qui passe par la tête, et à commencer par l'activité la plus prestigieuse des Chroniques : le commentaire.
Oui, certes, il serait possible de revenir sur l'activité un peu étrange, résumée par les discussions entre Imperator et Zarathoustra, les deux vieux de la vieille s'acharnant sur un chapitre dans lequel le renard frémit encore de se jeter, et qui rappelle une fois de plus combien chacun d'entre nous manque terriblement de temps - ou de motivation - pour s'intéresser aux textes neufs comme aux anciens. Et pour celui qui oublierait le symbole que représente les Chroniques, cette flamme au sommet du phare, eh bien...
Mais il faut aussi revenir aux motivations du commentaire même, changeantes, forcément, d'une plume à l'autre et celles exposées ici seront donc forcément celles du renard, à commencer par les ouï-dire. Ouï dire que ce n'était qu'une opinion "gentille" mais sans autres, et alors les vitrines d'encouragement suffisent bien à elles-mêmes. Ouï dire que c'était entre copains et alors, autant laisser l'amitié à l'amitié. Ce qui ne laisse plus beaucoup de raisons de le faire. Pour s'améliorer ? Cette raison fondamentale, apprendre des autres, s'étiole à force d'avoir "tout appris", de piétiner, et soit par aveu d'échec soit par redite, elle ne suffit plus. Alors pourquoi ? Encourager ? Aucun risque, la critique au contraire décourage le plus souvent. Aider ? Mais aider à quoi ? À écrire quoi ?
Un texte peut être mal écrit, tant que le lecteur s'y retrouve il aura du succès. La forme, et c'est assez heureux, n'a alors plus la moindre importance. Le fond ne peut venir que de l'auteur et quand cet auteur se met à écrire "pour écrire", toutes les fois il s'y perd. Enfin le reste est laissé à l'accident, c'est-à-dire aux circonstances, et là encore le commentaire n'y peut rien. Commenter un texte revient à forcer une opinion, en trompant sur la relation, sans rien apprendre ni à soi ni à autrui, décourageant et sans effet. C'est effectivement un constat très sombre, d'autant plus sombre que derrière se profile la raison d'être des Chroniques : s'il s'agit seulement d'écrire, combien d'autres plate-formes existent.
Reste qu'au départ les Chroniques n'avaient pas vocation à commenter, seulement à parler de ses textes, à discuter entre auteurs et encore, entre auteurs d'un univers fictionnel commun.
À présent, à force que les anciens se raréfient, la faute à ces mêmes circonstances, et à mesure que les nouveaux se rendent compte qu'il n'y a rien pour eux, tout ce qui reste est ce même commentaire, érigé comme une sorte de souvenir flottant qui s'efface déjà. Sans raison de commenter, quelque prestigieuse ou nostalgique que soit la bibliothèque, les Chroniques n'ont plus raison d'être. Et qui reste pour défendre le commentaire ? Qui reste pour penser, ici ou ailleurs, que ça sert qui que ce soit ? Commenter pour être commenté, au fond, c'est assez cynique, si le commentaire en lui-même ne recèle plus de promesses. Alors, quelles promesses ? Que reste-t-il à échanger ? Qu'est-ce qui vous rattache encore,
Chroniqueurs, à vos plumes ?
Post-Scriptum:
Un éditorial donne l'activité du site, et une opinion. Il invite à la discussion.
Mais cet éditorial ne dit pas que le commentaire est inutile. Ce serait nier, un peu vite, plus de dix ans d'activité (à minima). L'éditorial demande en quoi il est utile. Et cet éditorial demande si les Chroniques se résument vraiment au commentaire. Le renard, notamment, l'a formulé ainsi : "Donc oui. On ne vient pas sur les Chroniques pour lire, être lu, commenter ou être commenté. On y vient pour y pratiquer, tranquille, notre passion de l'écriture."
Et d'être d'avis que le contrat actuel des Chroniques offre peut-être une fausse promesse au visiteur.