Le traumatisme, pour un chroniqueur, c'est la qualité. C'est l'idée que les textes "sans effort" sont plébiscités là où ceux "travaillés" tendent même au rejet.
Les Chroniques, par la force des choses, ont mis en avant la progression de l'auteur, sa volonté d'apprendre et de s'améliorer, par la lecture, par la critique, par le travail acharné. Le calcul est facile : si une personne a de la facilité, de la maîtrise, alors on attend de lui plus d'efforts, plus de travail, que celui qui débute et peine encore. L'exigence ne cesse d'augmenter avec deux conséquences aussi écrasantes l'une que l'autre. La première, pour le chroniqueur, est le stade où, face à des défis trop grands, il finit par céder. C'est le fameux "mur", et passé le mur c'est encore ces paliers infranchissables et l'impression de stagner. C'est voir ses textes assez médiocres applaudis et les plus ciselés laissés pour compte, et c'est arriver à la seconde conséquence. La seconde, pour tout auteur, est de voir des textes où l'auteur a mis peu d'efforts, et parfois peu de passion, applaudis et mis en avant.
Jalousie, pourquoi pas, élitisme c'est possible, et comment en vouloir à des auteurs de faire ce qu'on attend d'eux, ce qui "marche". Tout au plus on se retournera contre le lecteur, ses attentes et ses critères, mais c'est imposer ses propres goûts sur ceux des autres et leur dire quoi penser. Alors, ce que l'on appelle médiocrité serait finalement la voie à suivre ? Logiquement, on devrait le conclure.
Et puis il y a des événements qui vous rappellent que non. Qui vous rappellent que peu importe ce que dit la majorité, certains travaux sont juste si mauvais, et si vides, faits par des gens si prétentieux qu'il est impossible, malgré toutes les excuses qu'on y donnera, d'y voir autre chose qu'un formidable gâchis de ressources et de talents. Oui, se dépasser est épuisant, ingrat, et il est légitime d'écrire juste pour écrire, par plaisir et par passion, pour l'histoire. On n'en voudra pas au débutant de trébucher, au contraire, et on n'en voudra pas au vétéran de se reposer, surtout quand il l'admet. Il est même regrettable de voir un travail où l'effort et visible et la passion remarquable, être rejetés comme des brouillons. Mais quand l'auteur prétend avoir fait un bon travail, et qu'il fait moins bien que les débutants, c'est juste triste et misérable et même insultant. C'est arrivé, et c'est un rappel brûlant que l'idéal des Chroniques n'est ni dépassé ni aveugle. La volonté de se dépasser, c'est aussi le besoin de connaître ses limites, et cet idéal prône l'humilité sur le mépris. Cet idéal, s'il a un défaut, nuit à l'estime et nuit à la motivation, parce qu'il met le chroniqueur en position d'éternel débutant.
Pour preuves :
Trois Noms d'Alarielle -- Ch.9, Ch.10 : Un des titans des Chroniques se réveille. Sous la plume de Zarathoustra, Ameryelle retrouve de vieilles terres devenues l'Ether. Les chapitres sont "longs", sans dialogue mais sous forme de journal, et sans le spectaculaire dont les lecteurs sont friands. Mais la passion est là et Zara' offre tout ce qu'il a pour son texte.
L'Observateur : Quand un texte est mauvais, un texte est mauvais, mais le renard ne s'en cache pas. L'univers, celui d'Alquières, lui tient à coeur et pour le défi des méchants un tel texte s'imposait, entre trois camps.
Ces textes sont des textes de passionnés, qui n'ont rien à prouver et dont les défauts sont soit admis, soit la volonté d'expérimenter et de pousser le plus loin possible le potentiel de chaque plume. Ces textes sont ce qui donne lieu aux discussions, que ce soit un détail sur les combats ou une réflexion sur le développement. Ces textes sont la marque d'une passion qui refuse de s'éteindre, qui refuse même de se reposer sur ses acquis, et qui invite autant à la découverte qu'au partage. C'est pour cela aussi que le feuilleton reprend et invite à découvrir le Rêve d'Ether. Que le lecteur y préfère des textes plus "simples", plus drôles ou plus familiers, plus "jeunes", plus spectaculaires, c'est un fait. Mais l'exigence n'est pas un crime : c'est la preuve de la passion, et si l'on n'a pas à être exigent envers les autres, c'est abandonner son texte que de ne pas l'être avec soi-même. C'est pour cela que vous tenez toujours,
Chroniqueurs, à vos plumes !