Edito Juillet Août 2017
Parfois, on aimerait disposer d’une baguette pour tout changer. Juste la manipuler pour sortir tous les textes qui encombrent plus ou moins notre tête et les proposer tel qu’ils auraient logiquement et intuitivement être. Des textes, bien entendu, qui concilieraient exactement le besoin de charmer le lecteur avec toutes les aspirations personnelles de l’auteur.
La vérité est qu’il n’y a pas un seul lecteur mais de multiples et qu’il serait vain de chercher à plaire à tous. Et pourtant, il y a, en chaque auteur, cette tentation de se dire que son texte est susceptible de toucher chacun. Du moins, c’est le cas dès le moment où on s’intéresse à lui.
Le lecteur est, pour l’auteur en herbe, un animal curieux et capricieux. Dans la mesure où il ne dispose d’un nom pour qu’il vienne spontanément à lui dans de bonne disposition, il est nécessaire de le séduire quelque peu. Un auteur amateur peut difficilement s’abstenir de cette dimension. Même s’il écrit d’abord pour se faire plaisir, dès le moment où il cherche à diffuser ses écrits, alors il doit trouver son lecteur et le chouchouter. Peut-être n’y en aura-t-il pas beaucoup, mais celui qui entrera dans le texte devra avoir envie de rester jusqu’au bout.
Pour ma part, sa présence est devenue presque obsessionnelle. Je veux dire par là qu’il m’oblige à voir mes textes avec un autre regard. Voire avec d’autres regards. Je sais combien il est difficile de séduire tous les lecteurs et que tout est question de regard. Je regarde le lecteur en train de lire et lui regarde mon texte, voire pour certains me regardent en train d’écrire. Il y a selon moi une relation voyeur-exhibitionnisme entre les deux. Et je suis un auteur qui joue avec les deux. J’aime regarder le lecteur autant que lui aime regarder le texte. Sans doute chaque auteur est ainsi, dès le moment où il aménage l’ultime rebondissement de son texte censé surprendre le lecteur. Il écrit en l’imaginant être surpris.
La liberté du lecteur, encore plus sur un texte amateur, c’est de pouvoir quitter le texte parce qu’il jugera, sommairement ou pas, que ce qu’il lit ne mérite pas le temps qu’il lui consacre. Il y a l’idée qu’on lui vole son temps. C’est un peu la remarque, tout à fait judicieuse, de San à l’égard du Prisonnier qui disait, en résumé, « tout ça pour ça ? ». Or les Chroniques offre cette chance d’avoir la liberté de répondre à cette question. Pourquoi avoir écrit « tout ça » ? Je ne répondrai pas ici mais un auteur devrait toujours se poser cette question car la tentation est grande d’écrire avant tout pour se faire plaisir en oubliant le lecteur. A-t-il besoin de longues descriptions ? De phrases interminables ? D’enjeux qui dépassent le cadre du récit ? A-t-il besoin d’une matière qui soit peut-être plus littéraire que des simples mots nécessaires pour raconter une histoire ?
Difficile de répondre. Encore une fois parce qu’il y a plusieurs lecteurs. Mais écrire une simple histoire (même si compliquée) et rien qu’une histoire est-ce suffisant pour le satisfaire ? Et écrire cette fameuse et simple histoire, est-ce vraiment intéressant à écrire quand on l’a déjà fait plusieurs fois ? Il est possible qu’à force, un auteur ait justement besoin de défi tout autre pour continuer de prendre plaisir ou de trouver une motivation suffisante au fil des années pour écrire encore et toujours.
Il y a un vrai plaisir à écrire ce qu’on ne sait pas écrire. Avancer dans l’inconnu ou se surprendre. Seulement, l’expérience que vit le lecteur est, encore une fois, tout autre. Lui ne sait pas qu’on ne sait pas (ou ne sait pas qu’on sait et qu’on a envie d’autre chose).
Tel est le dilemme de l’auteur amateur.
Changeons de sujet et revenons aux chroniques. Vuld Eldone avait, pendant un temps, remplacé nos fameux Récits du Mois par une proposition mensuel de thème. Je dois avouer que ses choix étaient des plus judicieux car quasiment à chaque fois, j’aurais eu envie de m’y consacrer moi aussi ; Et d’ailleurs, cela m’a inspiré plusieurs textes. Je voudrais qu’on profite de la pause estivale pour replonger dans tous ces fameux RdM qui ont trop souvent été des bouteilles jetées à la mer. Pour chacun, il y aurait eu lieu de développer, à défaut d’un récit, au moins une discussion sur le sujet.
Vraiment, je vous invite à vous replonger, pendant ces deux mois d'été avec leur probable torpeur qui gagneront les Chroniques, dans toutes ces suggestions, surtout si vous êtes en pannée d’inspiration. Chacun d’eux peut être justement une stimulante possibilité de textes. Aussi, je souhaiterai renouer avec cette initiative, mais en ouvrant l’idée davantage à la discussion. Ecrire un texte est parfois contraignant, et le temps n’est pas infiniment élastique pour se consacrer à toutes nos idées. Seulement, à défaut d’un texte, j’aimerai que ces thèmes puisse être un lieu d’échange d’idée sur ce qu’ils nous suggéraient et où nous aborderions le texte qu’on aurait imaginé ou aimé écrire si nous avions le temps.
Donc je vous propose comme Thème pour inaugurer cette initiative : Le Diable. Je ne vous cache pas qu’il s’agit d’une idée de portrait qui me trotte dans la tête et que je n’arrive pas à donner forme, mais j’aimerai que chacun donne ce que lui inspire ce thème.
En attendant, San nous propose pour accompagner nos chaudes journées estivales un texte, ma foi, un peu chaud également…
Alors que ce soit pour proposer un texte ou pour en débattre, amis Chroniqueurs,
A vos plumes !